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Qu’est-ce qu’il y a dans une marque? Comment le droit des marques de commerce protège le pouvoir de la marque

Dans ce deuxième volet de la nouvelle série de blogues sur le droit de la mode de la CIPPIC, je plonge dans la relation nuancée entre le droit des marques de commerce, les marques et le pouvoir de la marque. Ce qui suit est un aperçu de la façon dont les marques de commerce aident les entreprises à établir et à bâtir leur réputation, à travers le prisme de quelques études de cas de la mode canadienne.


Qu’est-ce qu’il y a dans une marque?

 

Une marque est un atout marketing aux multiples facettes. Une marque est une identité ou une personnalité large et reconnaissable, créée par une entreprise grâce à l’utilisation stratégique d’identifiants tangibles – noms, logos, slogans et designs – ainsi que de messages, et des produits ou services eux-mêmes. Une marque forte ne fait pas qu’identifier un produit. Elle raconte une histoire sur les valeurs de l’entreprise, la qualité de ses produits et ce à quoi les clients peuvent s’attendre lorsqu’ils effectuent un achat. Lululemon et Canada Goose sont deux entreprises de mode canadiennes qui ont bâti des marques reconnaissables. La marque de Lululemon, basée à Vancouver, se concentre sur la promotion d’un mode de vie axé sur le bien-être et l’activité; l’histoire de Canada Goose est centrée sur la qualité et la performance par temps extrême.


L’image de marque est l’un des nombreux outils permettant de bâtir une identité, des valeurs et une réputation autour d’une entreprise, d’un produit ou d’un service (voir Aaron Marcus, chapitre 16, « Branding 101 », dans HCI and User-Experience Design et Bill O’Leary, « Branding 101 » dans Electrical Apparatus). Dans les marchés concurrentiels, les entreprises visent à se distinguer, elles et leurs produits, en se positionnant par le biais de la narration, de choix esthétiques et de messages cohérents afin que ce qu’elles vendent résonne auprès d’un public cible particulier. Le logo de Canada Goose et le design distinctif des produits de Lululemon sont des atouts marketing que les consommateurs associent désormais à ces entreprises en raison des histoires que celles-ci ont racontées, de manière cohérente au fil du temps, à propos de ces identifiants uniques. L’image de marque est le processus consistant à bâtir des affinités dans l’esprit des consommateurs, basées sur des valeurs ou des aspirations partagées (voir Aaron Marcus et Bill O’Leary ci-dessus). C’est l’atteinte de ces affinités qui bâtit le capital de marque et stimule le pouvoir de la marque.

 

Toutefois, l’image de marque n’est pas uniquement dictée par l’entreprise. Les consommateurs façonnent les marques tout autant que les entreprises, surtout à l’ère des médias sociaux. Les consommateurs se connectent aux entreprises, aux produits et aux services pour une myriade de raisons et, ce faisant, créent leur propre récit de marque au cours du processus. Ces récits, parfois concurrents mais souvent constitutifs, font partie de ce qui rend la protection de la marque si difficile. Les marques de commerce sont souvent mises à profit pour contrôler la façon dont les autres présentent et utilisent les identifiants, c’est pourquoi le droit des marques de commerce est devenu si étroitement lié au pouvoir de la marque. Cela explique aussi pourquoi les affirmations du pouvoir des marques de commerce deviennent de plus en plus controversées. Par exemple, dans l’affaire United Airlines Inc. c. Cooperstock, 2017 CF 616, la compagnie aérienne a poursuivi le créateur d’un site de plaintes parodique (untied.com), arguant que son utilisation du nom et du logo « United » violait les marques de commerce de United – même si le site était clairement critique et non commercial. Cette tentative de United démontre comment le droit des marques de commerce est de plus en plus invoqué, non pas pour prévenir la confusion, mais pour faire la police de la réputation et supprimer les récits de consommateurs négatifs à propos d’une marque. Les marques sont des lieux de communication sociale, et donc des véhicules d’expression. Cependant, en tant qu’expression, l’image de marque est intrinsèquement contestée : d’autres s’engagent dans les récits et contestent les valeurs que les marques incarnent.

 

Avant d’aller plus loin, il est important de préciser que les entreprises elles-mêmes sont souvent désignées comme des marques. Cela brouille les pistes. Dans ce blogue, « marque » fait référence à l’histoire marketing respective bâtie par les entreprises et influencée par les consommateurs. Toutefois, une entreprise peut avoir sa propre marque (c.-à-d. sa personnalité) tout en ayant d’autres marques au sein de son portefeuille. Par exemple, Aritzia est un détaillant de vêtements canadien avec une marque propre (leurs choix en matière de narration, de style, de tactiques marketing, de choix esthétiques, de produits, etc., qui attirent une clientèle généralement jeune et s’identifiant comme femme). Mais Aritzia propose plusieurs marques au sein de son portefeuille de produits qui s’adressent à différents segments de marché (p. ex., TNA pour le style athlétique, Babaton et Wilfred pour les vêtements de bureau, Sunday Best pour le décontracté, en plus des produits Aritzia de base). Ces marques Babaton/TNA/Wilfred/etc. sont exclusives à l’univers Aritzia, mais sont, de leur propre aveu, distinctes de la marque qu’Aritzia a bâtie pour l’entreprise dans son ensemble. Dans le reste de ce blogue, « marque » fera référence à « l’histoire de la marque » ou à la personnalité bâtie autour d’une entreprise ou de produits/services particuliers. Notez toutefois que tous les auteurs sur ce sujet ne maintiennent pas la même distinction.

 

Comment le droit des marques de commerce sert la gestion de la marque

 

La propriété intellectuelle joue un rôle clé pour aider les entreprises à tirer parti de l’innovation et à la protéger, à maintenir la valeur de la marque et à prévenir la concurrence déloyale. Les marques de commerce sont un outil juridique puissant pour soutenir la gestion de la marque et ses messages. Les marques de commerce sont des symboles, noms, logos, couleurs, sons ou autres identifiants légalement enregistrés ou protégés qui servent d’identifiant de source, signalant aux consommateurs l’origine d’un produit ou d’un service (voir Trade Marks & Copyright 2025 – Canada, s. 2.1). Le logo de Lululemon et l’écusson du Programme Arctique de Canada Goose sont des exemples de marques de commerce, enregistrées en vertu du droit de la propriété intellectuelle, qui permettent aux consommateurs de savoir que les produits portant ces symboles proviennent de ces entreprises et seront d’un certain standard ou d’une certaine qualité.

 

Les marques de commerce seules ne constituent pas une marque. Les marques de commerce fonctionnent en tandem avec le marketing visuel et sensoriel stratégique d’une entreprise pour créer une cohérence dans l’expérience du consommateur, ce qui bâtit la loyauté, la confiance et l’achalandage. L’utilisation d’une marque de commerce peut aider à établir la réputation d’une entreprise en créant des associations dans l’esprit des consommateurs entre une source particulière et ses offres. La familiarité développée grâce à des messages cohérents autour d’une marque de commerce, et à son utilisation, permet souvent à une entreprise d’exiger des prix plus élevés en raison de la valeur perçue créée en cours de route. Par exemple, la marque de Canada Goose n’est pas seulement son logo (la marque de commerce), mais son image en tant qu’entreprise de vêtements d’extérieur de luxe synonyme de qualité, de savoir-faire, d’héritage et de performance par temps extrême (l’image de marque). Dans un marché saturé d’options, une marque reconnaissable, comme celle que Canada Goose a bâtie, aide les consommateurs à prendre des décisions rapides lorsqu’ils essaient de s’associer à une certaine entreprise en raison de ce que cela dira d’eux (cette décision peut être prise pour une multitude de raisons).

 

Le droit des marques de commerce est souvent considéré à tort comme un outil complet pour protéger les marques. Mais sa portée est beaucoup plus limitée et n’englobe pas le concept ou l’acte plus large de l’image de marque. Le droit des marques de commerce protège des identifiants spécifiques tels que des symboles, noms, logos, slogans, couleurs et odeurs, qui distinguent une entreprise de ses concurrents. Il ne protège pas l’identité de marque plus large, qui comprend des aspects intangibles comme la réputation, les valeurs, les perceptions des consommateurs et le lien émotionnel favorisé par les efforts d’image de marque. L’enregistrement de marques de commerce donne aux propriétaires le droit exclusif d’empêcher d’autres personnes d’utiliser des marques similaires d’une manière susceptible de créer de la confusion chez le consommateur. Une marque de commerce bien protégée (c.-à-d. enregistrée et vigoureusement appliquée) garantit que les consommateurs peuvent avoir confiance en l’origine des produits/services qu’ils choisissent. Voir une marque de commerce peut souvent être une partie influente de la raison pour laquelle un client choisit de magasiner chez une entreprise particulière ou choisit un certain produit. Mais le choix ultime d’un consommateur est influencé par une myriade de facteurs, dont beaucoup sont souvent indéfinis. Bien qu’importante et puissante, une marque de commerce n’est qu’un outil juridique pour protéger un signe identificateur spécifique. Au-delà de cela, nous outrepassons l’intention du droit des marques de commerce.

 

En conclusion, l’image de marque implique largement la narration, le ton, la voix et les choix esthétiques qui bâtissent la fidélité des consommateurs et transmettent l’identité d’une entreprise. Le droit des marques de commerce ne peut protéger ces éléments à moins qu’ils ne soient liés à une marque spécifique et enregistrée. Bien que le logo de Canada Goose soit protégé en tant que marque de commerce enregistrée, l’histoire de son héritage arctique ou son association avec la performance par temps extrême échappe à la portée du droit des marques de commerce. Les marques de commerce signifient l’origine des biens ou des services; elles ne protègent pas intrinsèquement la qualité associée à une marque. L’image de marque bâtit la confiance des consommateurs grâce à des expériences cohérentes, mais le droit des marques de commerce ne peut faire respecter ces normes; il ne garantit pas non plus qu’une certaine association se fera dans l’esprit d’un consommateur à propos d’un produit ou d’une entreprise. Ultimement, bien que les marques de commerce servent de boucliers juridiques pour des identifiants de marque spécifiques, elles ne peuvent capturer toute la profondeur de l’image de marque – la confiance, la réputation et le lien émotionnel que les entreprises travaillent à bâtir. L’image de marque façonne la perception du consommateur; le droit des marques de commerce ne fait que définir ses frontières juridiques.


Les opinions exprimées sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la position de politique de la CIPPIC.

 
 
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